Séminaire de la Société d’Écologie Humaine
L’ÉCOLOGIE HUMAINE ET LE TEMPS LONG
Marseille
22 novembre 2019

Annonce du séminaire

Quelques éléments de cadrage

En posant la question du temps long dans le domaine de l’écologie humaine, nous souhaitons engager la réflexion sur les enjeux actuels d’une approche historique des relations homme – environnement au cours des derniers millénaires, depuis le paléolithique supérieur par exemple.

Le champ de l’écologie humaine historique a été abordé par plusieurs auteurs, notamment sous la forme d’essais synthétiques et vulgarisés dont certains ont récemment connu un succès planétaire : Jared Diamond, Yuval Noah Hariri et James C. Scott, notamment. Ce courant, bien représenté dans le monde anglo-américain, reste peu développé en France. L’histoire du rapport de l’humanité à son environnement, en tant qu’entreprise de synthèse nécessairement pluri ou interdisciplinaire, reste en partie à documenter et à écrire.

Cette démarche est au cœur de l’écologie humaine définie comme : « le champ d’interactions entre toutes les disciplines qui concourent à comprendre les relations (biologiques et culturelles) entre humains et environnements, dans toutes leurs dimensions (sociales, techniques, éthiques, affectives…) et selon toutes les échelles de temps (du passé au futur) et d’espace (de l’infiniment petit à l’infiniment grand) »[1].

A l’heure où l’humanité est responsable de menaces globales sur son environnement planétaire (changement climatique, biodiversité), il semble urgent d’inscrire l’écologie humaine dans la perspective d’une « histoire profonde » ; que l’on appelle « histoire écologique de l’homme » ou de manière plus savante « éco-anthropologie historique ».

Comment l’humanité en est-elle arrivée là ? Nous pensons qu’une approche historique conduite sur le temps long peut apporter à la fois des éléments de réflexion et de réponse.

Le séminaire (22 novembre 2019)

Le séminaire a rassemblé sur une demi-journée (14-17 h) une quarantaine de participants (chercheurs, enseignants-chercheurs, doctorants et étudiants) dans les locaux du Laboratoire Population Environnement Développement (LPED-UMR 151) à Marseille[2].

Discutant : Alain Froment, anthropologue – biologiste (MNHN Paris & SEH).

Le séminaire s’articule autour de trois interventions de chercheurs et enseignants-chercheurs du LPED :

– « Paysages gravés et écologie humaine. L’exemple du Haut-Atlas (Maroc) ». Laurent Auclair, géographe IRD – LPED.

L’art rupestre du Haut-Atlas présente des liens étroits, sur le temps long (quatre millénaires au moins), avec les pratiques pastorales : transhumance et agdal[3] ; telle est l’hypothèse centrale de la présentation. La démarche fait appel à l’ethnoarchéologie et à l’archéologie du paysage dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire. Après la présentation du cadre chronologique de l’art rupestre du Haut-Atlas, les grandes séquences thématiques qui se succèdent au fil du temps (long) sont décrites : les thèmes hérités du Néolithique saharien, l’homme de l’Atlas, les disques ornés, les séquences libyco-amazighe et islamique. L’accent est mis sur l’interprétation et la lecture des gravures anciennes au regard des pratiques rituelles contemporaines, de l’expression des mythes et croyances. En conclusion, une réflexion sur les enjeux actuels de la patrimonialisation des gravures rupestres est esquissée.

– « Du temps long au temps rond dans le développement de l’arbre et la gestion de la forêt : chemins croisés entre humains et plantes ». Didier Genin, écologue et pastoraliste IRD – LPED.

Les arbres représentent les structures vivantes les plus vieilles de notre monde. Notre doyen est un pin rabougri âgé de plus de 5000 ans, qui vit dans un milieu difficile à plus de 3000 mètres d’altitude. Mais l’arbre n’est pas seulement un marqueur du temps qui passe ; il nous indique comment il passe, avec ses changements climatiques et les évènements qui le jalonnent. De plus, l’arbre vit souvent en groupes, constituant des écosystèmes forestiers aux propriétés particulières, à la fois sur le plan écologique et comme fournisseurs de ressources pour l’Homme et les sociétés qui en dépendent. Il s’ensuit des cycles de développement des peuplements et d’usages de la forêt où, là encore, la gestion du temps prend une place prépondérante. Nous illustrerons cette diversité à partir de cas remarquables où « Nature » et « Culture » s’entremêlent grâce à la gestion concomitante du temps long (qui s’écoule de manière linéaire) et du temps rond (qui présente des cyclicités de natures variées), nous invitant à revisiter les notions de « durabilité » et de « développement durable ».

– « Le temps long de la domestication ».Jean-François Mauffrey, écologue LPED – AMU.

La présentation a pour objectif de décortiquer le processus de domestication dans sa dimension historique, géographique mais aussi et surtout écologique et évolutive. Il s’agira de comprendre les conséquences éco-évolutionnaires de ce mode d’interaction avec les vivants transformés par nos usages et qui modifient en retour nos conditions de vie et d’évolution. Serait-il possible d’étendre et adapter les théories de la domestication à l’espèce humaine ? Aujourd’hui la pléthore des populations de vivants domestiqués a conquis les écosystèmes terrestres au détriment des espèces « sauvages ». La domestication des plantes et des animaux s’accompagne d’une perte de diversité sur le plan génétique, offrant à un nombre réduit d’espèces de plantes et d’animaux un formidable succès écologique et biologique.

La journée fut un succès aux dires des participants. Le choix du thème et des intervenants, le côté convivial de la manifestation (une quarantaine de participants), le format original du séminaire (une demi-journée) et celui, peu contraint, des présentations (de 40 minutes à une heure), enfin la richesse des échanges qui ont suivi et la qualité du discutant incitent les organisateurs à renouveler l’expérience. Serait-il possible de pérenniser sous une forme voisine, selon une périodicité qui reste à préciser, un séminaire « Ecologie humaine et temps long » au sein de la SEH ?

Le séminaire s’est conclus par une réunion du conseil d’administration de la SEH.

  1. Auclair, 30 juin 2020

[1] Cf. la présentation du colloque Homo futurus, p.5.

[2] Salle Biodiversité, Centre Saint-Charles, Université d’Aix-Marseille (OSU Pythéas, AMU).

[3] L’agdal est une pratique communautaire de gestion des ressources reposant sur la mise en défens de celles-ci au sein d’un territoire délimité. Ces pratiques sont encore vivantes aujourd’hui.

Annonce du séminaire

Quelques éléments de cadrage

En posant la question du temps long dans le domaine de l’écologie humaine, nous souhaitons engager la réflexion sur les enjeux actuels d’une approche historique des relations homme – environnement au cours des derniers millénaires, depuis le paléolithique supérieur par exemple.

Le champ de l’écologie humaine historique a été abordé par plusieurs auteurs, notamment sous la forme d’essais synthétiques et vulgarisés dont certains ont récemment connu un succès planétaire : Jared Diamond, Yuval Noah Hariri et James C. Scott, notamment. Ce courant, bien représenté dans le monde anglo-américain, reste peu développé en France. L’histoire du rapport de l’humanité à son environnement, en tant qu’entreprise de synthèse nécessairement pluri ou interdisciplinaire, reste en partie à documenter et à écrire.

Cette démarche est au cœur de l’écologie humaine définie comme : « le champ d’interactions entre toutes les disciplines qui concourent à comprendre les relations (biologiques et culturelles) entre humains et environnements, dans toutes leurs dimensions (sociales, techniques, éthiques, affectives…) et selon toutes les échelles de temps (du passé au futur) et d’espace (de l’infiniment petit à l’infiniment grand) »[1].

A l’heure où l’humanité est responsable de menaces globales sur son environnement planétaire (changement climatique, biodiversité), il semble urgent d’inscrire l’écologie humaine dans la perspective d’une « histoire profonde » ; que l’on appelle « histoire écologique de l’homme » ou de manière plus savante « éco-anthropologie historique ».

Comment l’humanité en est-elle arrivée là ? Nous pensons qu’une approche historique conduite sur le temps long peut apporter à la fois des éléments de réflexion et de réponse.

Le séminaire (22 novembre 2019)

Le séminaire a rassemblé sur une demi-journée (14-17 h) une quarantaine de participants (chercheurs, enseignants-chercheurs, doctorants et étudiants) dans les locaux du Laboratoire Population Environnement Développement (LPED-UMR 151) à Marseille[2].

Discutant : Alain Froment, anthropologue – biologiste (MNHN Paris & SEH).

Le séminaire s’articule autour de trois interventions de chercheurs et enseignants-chercheurs du LPED :

– « Paysages gravés et écologie humaine. L’exemple du Haut-Atlas (Maroc) ». Laurent Auclair, géographe IRD – LPED.

L’art rupestre du Haut-Atlas présente des liens étroits, sur le temps long (quatre millénaires au moins), avec les pratiques pastorales : transhumance et agdal[3] ; telle est l’hypothèse centrale de la présentation. La démarche fait appel à l’ethnoarchéologie et à l’archéologie du paysage dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire. Après la présentation du cadre chronologique de l’art rupestre du Haut-Atlas, les grandes séquences thématiques qui se succèdent au fil du temps (long) sont décrites : les thèmes hérités du Néolithique saharien, l’homme de l’Atlas, les disques ornés, les séquences libyco-amazighe et islamique. L’accent est mis sur l’interprétation et la lecture des gravures anciennes au regard des pratiques rituelles contemporaines, de l’expression des mythes et croyances. En conclusion, une réflexion sur les enjeux actuels de la patrimonialisation des gravures rupestres est esquissée.

– « Du temps long au temps rond dans le développement de l’arbre et la gestion de la forêt : chemins croisés entre humains et plantes ». Didier Genin, écologue et pastoraliste IRD – LPED.

Les arbres représentent les structures vivantes les plus vieilles de notre monde. Notre doyen est un pin rabougri âgé de plus de 5000 ans, qui vit dans un milieu difficile à plus de 3000 mètres d’altitude. Mais l’arbre n’est pas seulement un marqueur du temps qui passe ; il nous indique comment il passe, avec ses changements climatiques et les évènements qui le jalonnent. De plus, l’arbre vit souvent en groupes, constituant des écosystèmes forestiers aux propriétés particulières, à la fois sur le plan écologique et comme fournisseurs de ressources pour l’Homme et les sociétés qui en dépendent. Il s’ensuit des cycles de développement des peuplements et d’usages de la forêt où, là encore, la gestion du temps prend une place prépondérante. Nous illustrerons cette diversité à partir de cas remarquables où « Nature » et « Culture » s’entremêlent grâce à la gestion concomitante du temps long (qui s’écoule de manière linéaire) et du temps rond (qui présente des cyclicités de natures variées), nous invitant à revisiter les notions de « durabilité » et de « développement durable ».

– « Le temps long de la domestication ».Jean-François Mauffrey, écologue LPED – AMU.

La présentation a pour objectif de décortiquer le processus de domestication dans sa dimension historique, géographique mais aussi et surtout écologique et évolutive. Il s’agira de comprendre les conséquences éco-évolutionnaires de ce mode d’interaction avec les vivants transformés par nos usages et qui modifient en retour nos conditions de vie et d’évolution. Serait-il possible d’étendre et adapter les théories de la domestication à l’espèce humaine ? Aujourd’hui la pléthore des populations de vivants domestiqués a conquis les écosystèmes terrestres au détriment des espèces « sauvages ». La domestication des plantes et des animaux s’accompagne d’une perte de diversité sur le plan génétique, offrant à un nombre réduit d’espèces de plantes et d’animaux un formidable succès écologique et biologique.

La journée fut un succès aux dires des participants. Le choix du thème et des intervenants, le côté convivial de la manifestation (une quarantaine de participants), le format original du séminaire (une demi-journée) et celui, peu contraint, des présentations (de 40 minutes à une heure), enfin la richesse des échanges qui ont suivi et la qualité du discutant incitent les organisateurs à renouveler l’expérience. Serait-il possible de pérenniser sous une forme voisine, selon une périodicité qui reste à préciser, un séminaire « Ecologie humaine et temps long » au sein de la SEH ?

Le séminaire s’est conclus par une réunion du conseil d’administration de la SEH.

  1. Auclair, 30 juin 2020

[1] Cf. la présentation du colloque Homo futurus, p.5.

[2] Salle Biodiversité, Centre Saint-Charles, Université d’Aix-Marseille (OSU Pythéas, AMU).

[3] L’agdal est une pratique communautaire de gestion des ressources reposant sur la mise en défens de celles-ci au sein d’un territoire délimité. Ces pratiques sont encore vivantes aujourd’hui.