Les Jardins dans la ville.
Entre nature et culture
Ouvrage coordonné par
Menozzi M.-J.avec la participation de Manusset S. et Bioret F.
Presses Universitaires de Rennes / Société d’Écologie Humaine,
Coll. Espace et Territoires, Rennes, 2014
364 pages
Format : 16,5 x 24
ISBN : 978-2-7535-3263-2
20 euros
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Sommaire
FRIEDBERG Claudine
Préface
MENOZZI Marie-Jo
Introduction
MATHIEU Nicole
Jardin de ville, jardin de campagne, quel rôle dans l’émergence d’un mode d’habiter durable ?
Première partie : Jardins et paysages
MENOZZI Marie-Jo
Introduction
RUDOLF Florence et VODOUHE Gilles
Éco-quartier et quartier jardin :
des sémantiques différenciées et adaptées aux grands ensembles pour faire advenir la ville durable ?
MARC Jean-Valéry et MARTOUZET Denis
Le jardin créole à Fort-de-France : du paysage à l’aménagement
ANGLES Stéphane, CONSALÈS Jean-Noël et MINVIELLE Paul
L’olivier dans les jardins périurbains du pays d’Aubagne : une nouvelle forme d’oléiculture
LE CRENN Patricia
Les jardins publics : espaces de travail et de construction identitaire pour les jardiniers
MONJARET Anne
Les vertus du jardin à l’hôpital
PROST Dominique et RIBÉREAU-GAYON Marie-Dominique
Les nouveaux jardins publics de Bordeaux : la construction d’une culture de la nature
BAUDRY Sandrine
Quelle place pour le jardinage collectif dans l’aménagement urbain ? Le cas des community gardens de New York City
Deuxième partie : Les jardins, espaces de vie
MENOZZI Marie-Jo
Introduction
ARRIF Teddy
Usages des parcs publics chez les seniors : analyse comparative des parcs de Bercy et de la Source à Paris
MAIGNANT Gilles et DUTOZIA Jérôme
Emboîtements d’échelles et espaces verts en milieu urbain : vers une localisation optimale, application à la ville de Nice
GOMBERT-COURVOISIER Sandrine, RIBEYRE Francis, MEYER Anne-Marie, QUITTÉ Jean-Marc et BALLESTA Olivier
Contribution des espaces verts et jardins dans la qualité de vie des citoyens
MONBUREAU Barbara , THENADEY Isabelle et LEGUYADERE David
Le potager collectif : l’expérience du Transformateur
DEMAILLY Kaduna-Ève
Les jardins partagés de l’Est parisien : de nouveaux territoires citoyens ?
GERGAUD Sophie
Jardins en terre lakota : de l’acculturation à l’affirmation identitaire
PIERRAT Adeline
De la décharge au jardin : émergence et développement de marchés du terreau à Antananarivo (Madagascar) et Dakar (Sénégal)
FAURE Éric
Épicure ou la philosophie du Jardin
Troisième partie : Les jardins, espaces de biodiversité
MENOZZI Marie-Jo
Introduction
CLERGEAU Philippe
Les jardins publics et privés au coeur d’une biodiversité urbaine
MARCO Audrey, BARTHÉLÉMY Carole et BERTAUDIÈRE-MONTÈS Valérie
Uniformisation floristique des jardins privatifs : quels processus socio-écologiques sous-jacents ?
PELLEGRINI Patricia, MAUREL Noëlie, LIZET Bernadette et MACHON Nathalie
Pieds d’arbres jardinés, espaces de diversités
COHEN Marianne, BAUDOUIN Raymond, DAJOZ Isabelle, GODRON Michel, GRÉSILLON Étienne, PALIBRK Milena, CORNET Nicolas et SIMON Raphaël
Les jardins de deux quartiers parisiens : biodiversité, gestion et appropriation habitantes
BARTHÉLÉMY Carole et CONSALÈS Jean-Noël
Ré-enchanter le territoire à partir de la biodiversité ordinaire : l’artiste, la friche et le jardin à Marseille
SOULANCÉ Dominique, BLEY Daniel, GAIMARD Maryse et VERNAZZA-LICHT Nicole
Du fouillis végétal à l’espace gazonné : structure et typologie des jardins réunionnais de la Ravine des Cabris
MANUSSET Sandrine
Diversité variétale du manioc en Guyane française : état des lieux à partir des classifications locales
MENOZZI Marie-Jo
Conclusion générale
Sommaire
FRIEDBERG Claudine
Préface
MENOZZI Marie-Jo
Introduction
MATHIEU Nicole
Jardin de ville, jardin de campagne, quel rôle dans l’émergence d’un mode d’habiter durable ?
Première partie : Jardins et paysages
MENOZZI Marie-Jo
Introduction
RUDOLF Florence et VODOUHE Gilles
Éco-quartier et quartier jardin :
des sémantiques différenciées et adaptées aux grands ensembles pour faire advenir la ville durable ?
MARC Jean-Valéry et MARTOUZET Denis
Le jardin créole à Fort-de-France : du paysage à l’aménagement
ANGLES Stéphane, CONSALÈS Jean-Noël et MINVIELLE Paul
L’olivier dans les jardins périurbains du pays d’Aubagne : une nouvelle forme d’oléiculture
LE CRENN Patricia
Les jardins publics : espaces de travail et de construction identitaire pour les jardiniers
MONJARET Anne
Les vertus du jardin à l’hôpital
PROST Dominique et RIBÉREAU-GAYON Marie-Dominique
Les nouveaux jardins publics de Bordeaux : la construction d’une culture de la nature
BAUDRY Sandrine
Quelle place pour le jardinage collectif dans l’aménagement urbain ? Le cas des community gardens de New York City
Deuxième partie : Les jardins, espaces de vie
MENOZZI Marie-Jo
Introduction
ARRIF Teddy
Usages des parcs publics chez les seniors : analyse comparative des parcs de Bercy et de la Source à Paris
MAIGNANT Gilles et DUTOZIA Jérôme
Emboîtements d’échelles et espaces verts en milieu urbain : vers une localisation optimale, application à la ville de Nice
GOMBERT-COURVOISIER Sandrine, RIBEYRE Francis, MEYER Anne-Marie, QUITTÉ Jean-Marc et BALLESTA Olivier
Contribution des espaces verts et jardins dans la qualité de vie des citoyens
MONBUREAU Barbara , THENADEY Isabelle et LEGUYADERE David
Le potager collectif : l’expérience du Transformateur
DEMAILLY Kaduna-Ève
Les jardins partagés de l’Est parisien : de nouveaux territoires citoyens ?
GERGAUD Sophie
Jardins en terre lakota : de l’acculturation à l’affirmation identitaire
PIERRAT Adeline
De la décharge au jardin : émergence et développement de marchés du terreau à Antananarivo (Madagascar) et Dakar (Sénégal)
FAURE Éric
Épicure ou la philosophie du Jardin
Troisième partie : Les jardins, espaces de biodiversité
MENOZZI Marie-Jo
Introduction
CLERGEAU Philippe
Les jardins publics et privés au coeur d’une biodiversité urbaine
MARCO Audrey, BARTHÉLÉMY Carole et BERTAUDIÈRE-MONTÈS Valérie
Uniformisation floristique des jardins privatifs : quels processus socio-écologiques sous-jacents ?
PELLEGRINI Patricia, MAUREL Noëlie, LIZET Bernadette et MACHON Nathalie
Pieds d’arbres jardinés, espaces de diversités
COHEN Marianne, BAUDOUIN Raymond, DAJOZ Isabelle, GODRON Michel, GRÉSILLON Étienne, PALIBRK Milena, CORNET Nicolas et SIMON Raphaël
Les jardins de deux quartiers parisiens : biodiversité, gestion et appropriation habitantes
BARTHÉLÉMY Carole et CONSALÈS Jean-Noël
Ré-enchanter le territoire à partir de la biodiversité ordinaire : l’artiste, la friche et le jardin à Marseille
SOULANCÉ Dominique, BLEY Daniel, GAIMARD Maryse et VERNAZZA-LICHT Nicole
Du fouillis végétal à l’espace gazonné : structure et typologie des jardins réunionnais de la Ravine des Cabris
MANUSSET Sandrine
Diversité variétale du manioc en Guyane française : état des lieux à partir des classifications locales
MENOZZI Marie-Jo
Conclusion générale
Introduction
par Menozzi M.-J.
La Société d’écologie humaine explore depuis plus de vingt ans les relations entre les sociétés humaines et leur environnement. Elle a été créée en 1987 à l’initiative de chercheurs et enseignants en sciences sociales et biologiques convaincus des bienfaits de la pluridisciplinarité et ayant la volonté d’instaurer un lieu d’échanges et une fonction de dialogue pour tous ceux qui s’intéressent à l’étude des relations des êtres humains et de leur milieu de vie1. Elle réunit des chercheurs issus de différentes disciplines autour de ces questionnements, qui tous les ans, se réunissent pour débattre d’une thématique relative à l’écologie humaine. Des sujets variés ont été l’objet de ses travaux : l’homme et la forêt, l’homme et la lagune, la viande, énergie et société, le retour des paysans… Jusqu’à présent, la question des jardins n’avait été abordée que de façon marginale, à travers d’autres problématiques. Dans l’ouvrage Villes du Sud et environnement, le développement de la ville de Ouagadougou (Burkina Faso) et la citadinisation des habitants sont mis en corrélation avec le développement des jardins d’ornement dans l’espace urbain et les pratiques qui y sont associées (Menozzi, 1997). Anne Luxereau a quant à elle observé les jardins en s’intéressant à leurs abris, qu’ils soient standardisés ou cabanes faites de bric et de broc ; le choix de l’un ou de l’autre renvoyant aux normes sociales en vigueur (Luxereau, 2000).
Lieux de rencontre s’il en est entre l’humain et le milieu naturel, riches de leur diversité, les jardins apparaissaient comme une thématique incontournable à explorer, dans un contexte où la question des jardins gagne en légitimité, autant de la part des politiques ou des urbanistes que des chercheurs. « L’engouement » pour les jardins, signalé déjà en 1996 par un gros titre du magazine Télérama (« La folie des jardins. Ces français qui sèment », Télérama du mercredi 18 juin 1996), la manière dont cet objet entre en résonance avec des enjeux contemporains, le dynamisme observé autour des jardins rendaient pertinent que la SEH consacre ses journées annuelles spécifiquement à cet objet.
En effet, les jardins sont présents dans de multiples questionnements dans lesquels nos sociétés sont engagées. Ils sont partie prenante des paysages urbains dans un contexte d’urbanisation croissante. Ils mettent en questions nos relations avec le milieu naturel. Ils sont aussi lieu d’échanges entre collectifs humains, que l’on soit jardinier ou usager.
Leurs caractéristiques nous parlent autant des modalités de relations
entre les sociétés humaines et « la nature » qu’entre des acteurs et
des groupes humains. Les jardins sont au coeur des enjeux que la ville
du xxie siècle doit relever : préserver une qualité de vie dans un
environnement qui se densifie, qualité qui passe par la proximité avec
la « nature », par une offre de paysages. Les jardins sont aussi des
éléments qui peuvent être favorables ou non à la préservation de la
biodiversité urbaine. Enfin, ils sont aussi des espaces de vie sociale.
Les
défis que les jardins doivent relever sont donc variés, à la mesure de
leur propre diversité et des différents rôles qu’ils peuvent être amenés
à remplir.
Consacrées au thème des jardins, les XXIIe journées de la Société d’écologie humaine ont bénéficié des beaux jours du mois de juin 2010 de la ville de Brest. Les trois journées n’ont pas suffi à appréhender leur diversité. Une partie des présentations ont été reprises pour cet ouvrage sous forme de chapitres.
La ville de Brest qui a servi de cadre à notre réflexion en juin 2010 valorise ses jardins. « Riche de son château, ses marins, son port de commerce et son orientation sur la rade, la cité offre à ses habitants et visiteurs des paysages variés, des espaces naturels et côtiers. Sa situation et son climat océanique ont permis d’aménager des jardins, parcs et espaces de qualité, au service de la population. »
Ainsi est présentée la ville dans « Carnet de voyage », en juillet 2009. Ses parcs et jardins portent en effet témoignage de l’histoire de la ville, de sa vie sociale et de ses évolutions. La présence du Conservatoire national botanique dans le luxuriant parc de Stang Allar rappelle la contribution de la ville dans les expéditions maritimes, notamment celles de Louis Antoine de Bougainville (1729-1811), parti de Brest sur la Boudeuse le 05 décembre 1766. Le jardin du Conservatoire se niche dans un vallon sur 31 hectares, accueillant espèces menacées et espèces horticoles. Les serres d’une superficie de 1000 m• regroupent une impressionnante collection de plantes exotiques menacées et dont certaines ont disparu dans le milieu naturel. Brest, port ouvert sur les contrées lointaines, a vu arriver de nouvelles plantes récoltées ailleurs, et a participé à la production et à la diffusion d’une diversité végétale propice aux jardins d’ici. L’ancien port militaire, dont l’ancien jardin de la gendarmerie maritime, a été réaménagé en promenade verte. C’est aussi une ville connue pour le dynamisme de l’association « Vert le Jardin », un des fers de lance du « jardin partagé » en France. La présence de parcelles de jardins collectifs, des séquences de fleurissement des trottoirs et des pieds d’immeubles par les habitants et l’animation de l’espace public urbain à partir du végétal en apportent une preuve concluante. Le monde de la recherche brestois n’est pas non plus en reste, l’Institut de géoarchitecture questionne dans sa posture interdisciplinaire la relation entre la ville et l’environnement.
À l’issue d’un appel à communication assez large, quelques thématiques majeures se sont dégagées. La majorité des propositions portaient sur le jardin en relation avec la ville et la question urbaine. Les jardins ruraux, étaient non pas absents, mais plutôt minoritaires dans les propositions reçues. Les jardins entre-tiennent-ils une relation privilégiée avec la ville ? Il existe pourtant des jardins en milieu rural, qui ont été largement étudiés par les ethnologues et les sociologues. Mais les questionnements contemporains semblent plus axés sur la ville. Les défis environnementaux, la demande de qualité de vie, la quête d’un « monde meilleur » mettent les jardins au coeur des enjeux contemporains dont la ville est porteuse.
Les approches interdisciplinaires, privilégiées dans cet ouvrage, nous permettent d’observer les jardins à travers trois prismes. D’une part, le lien entre jardin et paysage est questionné. Nous verrons comment les ,paysages urbains sont pour une grande partie l’oeuvre de jardiniers, ainsi que des concepteurs et amé-nageurs, dont les pratiques et les représentations travaillent quotidiennement le paysage. Les , services attendus du jardin nous conduisent ensuite à explorer le lien entre jardin et qualité de vie, mais aussi à questionner les identités sous-jacentes au jardinage. Les dynamiques actuelles autour de certaines formes de jardinage collectif amènent par ailleurs à nous interroger ,sur certaines modalités de la relation entre individuel et collectif. Ainsi par exemple, le jardin se fait objet politique à partir du moment où il met en discussion les modalités de distribution et d’utilisation de l’espace, notamment l’espace urbain. Enfin, la présence de jardins en ville répond à la demande d’une certaine forme de nature dans le paysage urbain. Ces lieux nous incitent à saisir les paradoxes inhérents à l’idée de nature en ville. Une « nature » horticole, jardinée est plébiscitée tandis que la nature spontanée n’est guère désirée (Menozzi, 2007). Cette caractéristique se retrouve autant dans les sociétés occidentales que non-occidentales. Les plantations jardinières de Ouagadougou sont faites de plantes exotiques, importées ; les plantes locales de la brousse, même celles utilisées dans la pharmacopée, sont qualifiées de « mauvaises herbes » dans les pelouses jardinées. La recherche d’ordre et de propreté permet d’établir une distinction entre « l’humanité » du jardin et la brousse sauvage (Menozzi, 1997). Mais cette nature spontanée, cette « force vitale de l’herbe qui pousse » (Berque, 2011, p. 589) est réhabilitée au motif des enjeux liés à la préservation de la biodiversité. On verra dans quelle mesure les jardins mettent à l’épreuve la question de la biodiversité en ville. Les approches conduites dans cet ouvrage sont issues de différentes disciplines : géographie, sociologie, analyse paysagère, ethnologie, écologie, biologie, histoire, etc. Elles permettent de croiser et de questionner la combinaison de facteurs écologiques et de facteurs sociologiques autour des jardins. La diversité des situations géographiques est privilégiée, permettant de saisir tout autant les jardins et leur évolution dans les villes françaises que dans d’autres régions du monde autorisant ainsi une mise en perspective des jardins français.
Les écrits présentés traitent peu ou prou de jardins. Quel est le lien entre tous les jardins que les différents auteurs analysent? Peut-être est-ce ce mode « d’habiter » dont nous entretient ensuite dans son introduction, Nicole Mathieu qui nous invite à mettre en perspective « jardin rural » et « jardin urbain »?
L’association Vert le jardin a été créé en 2000, et est le fruit d’un collectif d’acteurs sociaux brestois. Son objectif de départ était de développer le jardin comme outil de lien dans l’agglomération brestoise. 12 ans plus tard, Vert le jardin est le correspondant régional du réseau du Jardin dans tous ses états. L’association poursuit son travail de développement et de promotion des jardins partagés en région Bretagne. Elle a ajouté une corde à son arc en 2010, en mettant en place des projets de compost partagé sur son territoire. Elle accompagne des porteurs de projets (groupes d’habitants, équipements de quartiers, collectivités), qui ont aussi un projet de jardin ou compost ouvert à tous. Vert le jardin coordonne un réseau local : on compte pas moins de 64 jardins partagés qu’elle a accompagnés sur le territoire de Brest métropole océane, et 78 au niveau du département du Finistère. En 2012, l’association est constituée d’une équipe de 7 salariés, parfois renforcée par 4 personnes en service civique. Ils définissent leur action comme « un travail de proximité sans retenue ». La pérennité des actions engagées passe par cet investissement local.
Les actions de Vert le Jardin s’appuient sur un certain nombre de valeurs, qui ont été validées dans la charte des jardins partagés du pays de Brest. Cette charte est le fruit d’une rédaction collective avec les acteurs institutionnels, les jardiniers, les porteurs de projets, les propriétaires de terrains, les communes…
Six valeurs sont défendues : la solidarité et le lien social ; la préservation de l’environnement ; la convivialité; l’autoproduction et l’alimentation; l’amélioration du cadre de vie; la citoyenneté. L’idée est de « faire ensemble » dans un « esprit joyeux ». La notion de plaisir, revendiquée par les habitants, est un élément majeur de la démarche.
Les jardins partagés constituent un véritable outil pour penser et aménager la ville. Outre de réels enjeux environnementaux et de cohésion sociale, l’association s’est aussi fixée comme perspective de proposer une alternative économique crédible par le jardinage urbain, en lien avec la question alimentaire.
Les actions entreprises par l’association sont marquées par leur réussite, et les acteurs de Vert le jardin sont régulièrement sollicités pour apporter leur savoir faire au développement de projets similaires au niveau régional, voire national. D’ailleurs, l’association fait partie du réseau national du « Jardin dans tous ses états ».
Vert le jardin est dans une joyeuse mutation perpétuelle et s’empare des différentes problématiques ayant trait au jardinage urbain. Elle constate que les jardins partagés vont devoir évoluer et s’approprier les enjeux relatifs à la santé, l’alimentation, l’autoproduction. Devenir plus productifs signifie aussi aller à la rencontre d’autres acteurs du territoire. De vrais et gais chantiers en perspective !
Références Bibliographiques
Berque A., « Le sauvage construit », dans Ethnologie française. Natures urbanisées, XL, 4, 2011, p 589-596.
Luxereau
A., « Abris standardisés contre cabanes dans les jardins potagers
urbains », dans Brun B., Dufour A.-H., Picon B., Ribéreau-Gayon M.-D.
(dir.), Cabanes, cabanons et campements, Travaux de la Société
d’écologie humaine, éditions du Bergier, 2000, p. 243-255.
Menozzi M.-J., « Ouagadougou côté jardins », dans Bley D., Champaud J., Baudot P., Brun B., Pagezy H., Vernazza-Licht N. (dir.), Villes du Sud et environnement, Travaux de la Société d’écologie humaine, Chateauneuf de Grasse, éditions du Bergier, 1997, p. 20-38.
Menozzi M.-J., « Mauvaises herbes, qualité de l’eau et entretien des espaces », dans Natures Sciences Sociétés 15, 2007, p. 144-153.
« Ces français qui sèment », Télérama, mercredi 18 juin 1997
Introduction
par Menozzi M.-J.
La Société d’écologie humaine explore depuis plus de vingt ans les relations entre les sociétés humaines et leur environnement. Elle a été créée en 1987 à l’initiative de chercheurs et enseignants en sciences sociales et biologiques convaincus des bienfaits de la pluridisciplinarité et ayant la volonté d’instaurer un lieu d’échanges et une fonction de dialogue pour tous ceux qui s’intéressent à l’étude des relations des êtres humains et de leur milieu de vie1. Elle réunit des chercheurs issus de différentes disciplines autour de ces questionnements, qui tous les ans, se réunissent pour débattre d’une thématique relative à l’écologie humaine. Des sujets variés ont été l’objet de ses travaux : l’homme et la forêt, l’homme et la lagune, la viande, énergie et société, le retour des paysans… Jusqu’à présent, la question des jardins n’avait été abordée que de façon marginale, à travers d’autres problématiques. Dans l’ouvrage Villes du Sud et environnement, le développement de la ville de Ouagadougou (Burkina Faso) et la citadinisation des habitants sont mis en corrélation avec le développement des jardins d’ornement dans l’espace urbain et les pratiques qui y sont associées (Menozzi, 1997). Anne Luxereau a quant à elle observé les jardins en s’intéressant à leurs abris, qu’ils soient standardisés ou cabanes faites de bric et de broc ; le choix de l’un ou de l’autre renvoyant aux normes sociales en vigueur (Luxereau, 2000).
Lieux de rencontre s’il en est entre l’humain et le milieu naturel, riches de leur diversité, les jardins apparaissaient comme une thématique incontournable à explorer, dans un contexte où la question des jardins gagne en légitimité, autant de la part des politiques ou des urbanistes que des chercheurs. « L’engouement » pour les jardins, signalé déjà en 1996 par un gros titre du magazine Télérama (« La folie des jardins. Ces français qui sèment », Télérama du mercredi 18 juin 1996), la manière dont cet objet entre en résonance avec des enjeux contemporains, le dynamisme observé autour des jardins rendaient pertinent que la SEH consacre ses journées annuelles spécifiquement à cet objet.
En effet, les jardins sont présents dans de multiples questionnements dans lesquels nos sociétés sont engagées. Ils sont partie prenante des paysages urbains dans un contexte d’urbanisation croissante. Ils mettent en questions nos relations avec le milieu naturel. Ils sont aussi lieu d’échanges entre collectifs humains, que l’on soit jardinier ou usager.
Leurs caractéristiques nous parlent autant des modalités de relations entre les sociétés humaines et « la nature » qu’entre des acteurs et des groupes humains. Les jardins sont au coeur des enjeux que la ville du xxie siècle doit relever : préserver une qualité de vie dans un environnement qui se densifie, qualité qui passe par la proximité avec la « nature », par une offre de paysages. Les jardins sont aussi des éléments qui peuvent être favorables ou non à la préservation de la biodiversité urbaine. Enfin, ils sont aussi des espaces de vie sociale.
Les défis que les jardins doivent relever sont donc variés, à la mesure de leur propre diversité et des différents rôles qu’ils peuvent être amenés à remplir.
Consacrées au thème des jardins, les XXIIe journées de la Société d’écologie humaine ont bénéficié des beaux jours du mois de juin 2010 de la ville de Brest. Les trois journées n’ont pas suffi à appréhender leur diversité. Une partie des présentations ont été reprises pour cet ouvrage sous forme de chapitres.
La ville de Brest qui a servi de cadre à notre réflexion en juin 2010 valorise ses jardins. « Riche de son château, ses marins, son port de commerce et son orientation sur la rade, la cité offre à ses habitants et visiteurs des paysages variés, des espaces naturels et côtiers. Sa situation et son climat océanique ont permis d’aménager des jardins, parcs et espaces de qualité, au service de la population. »
Ainsi est présentée la ville dans « Carnet de voyage », en juillet 2009. Ses parcs et jardins portent en effet témoignage de l’histoire de la ville, de sa vie sociale et de ses évolutions. La présence du Conservatoire national botanique dans le luxuriant parc de Stang Allar rappelle la contribution de la ville dans les expéditions maritimes, notamment celles de Louis Antoine de Bougainville (1729-1811), parti de Brest sur la Boudeuse le 05 décembre 1766. Le jardin du Conservatoire se niche dans un vallon sur 31 hectares, accueillant espèces menacées et espèces horticoles. Les serres d’une superficie de 1000 m• regroupent une impressionnante collection de plantes exotiques menacées et dont certaines ont disparu dans le milieu naturel. Brest, port ouvert sur les contrées lointaines, a vu arriver de nouvelles plantes récoltées ailleurs, et a participé à la production et à la diffusion d’une diversité végétale propice aux jardins d’ici. L’ancien port militaire, dont l’ancien jardin de la gendarmerie maritime, a été réaménagé en promenade verte. C’est aussi une ville connue pour le dynamisme de l’association « Vert le Jardin », un des fers de lance du « jardin partagé » en France. La présence de parcelles de jardins collectifs, des séquences de fleurissement des trottoirs et des pieds d’immeubles par les habitants et l’animation de l’espace public urbain à partir du végétal en apportent une preuve concluante. Le monde de la recherche brestois n’est pas non plus en reste, l’Institut de géoarchitecture questionne dans sa posture interdisciplinaire la relation entre la ville et l’environnement.
À l’issue d’un appel à communication assez large, quelques thématiques majeures se sont dégagées. La majorité des propositions portaient sur le jardin en relation avec la ville et la question urbaine. Les jardins ruraux, étaient non pas absents, mais plutôt minoritaires dans les propositions reçues. Les jardins entre-tiennent-ils une relation privilégiée avec la ville ? Il existe pourtant des jardins en milieu rural, qui ont été largement étudiés par les ethnologues et les sociologues. Mais les questionnements contemporains semblent plus axés sur la ville. Les défis environnementaux, la demande de qualité de vie, la quête d’un « monde meilleur » mettent les jardins au coeur des enjeux contemporains dont la ville est porteuse.
Les approches interdisciplinaires, privilégiées dans cet ouvrage, nous permettent d’observer les jardins à travers trois prismes. D’une part, le lien entre jardin et paysage est questionné. Nous verrons comment les ,paysages urbains sont pour une grande partie l’oeuvre de jardiniers, ainsi que des concepteurs et amé-nageurs, dont les pratiques et les représentations travaillent quotidiennement le paysage. Les , services attendus du jardin nous conduisent ensuite à explorer le lien entre jardin et qualité de vie, mais aussi à questionner les identités sous-jacentes au jardinage. Les dynamiques actuelles autour de certaines formes de jardinage collectif amènent par ailleurs à nous interroger ,sur certaines modalités de la relation entre individuel et collectif. Ainsi par exemple, le jardin se fait objet politique à partir du moment où il met en discussion les modalités de distribution et d’utilisation de l’espace, notamment l’espace urbain. Enfin, la présence de jardins en ville répond à la demande d’une certaine forme de nature dans le paysage urbain. Ces lieux nous incitent à saisir les paradoxes inhérents à l’idée de nature en ville. Une « nature » horticole, jardinée est plébiscitée tandis que la nature spontanée n’est guère désirée (Menozzi, 2007). Cette caractéristique se retrouve autant dans les sociétés occidentales que non-occidentales. Les plantations jardinières de Ouagadougou sont faites de plantes exotiques, importées ; les plantes locales de la brousse, même celles utilisées dans la pharmacopée, sont qualifiées de « mauvaises herbes » dans les pelouses jardinées. La recherche d’ordre et de propreté permet d’établir une distinction entre « l’humanité » du jardin et la brousse sauvage (Menozzi, 1997). Mais cette nature spontanée, cette « force vitale de l’herbe qui pousse » (Berque, 2011, p. 589) est réhabilitée au motif des enjeux liés à la préservation de la biodiversité. On verra dans quelle mesure les jardins mettent à l’épreuve la question de la biodiversité en ville. Les approches conduites dans cet ouvrage sont issues de différentes disciplines : géographie, sociologie, analyse paysagère, ethnologie, écologie, biologie, histoire, etc. Elles permettent de croiser et de questionner la combinaison de facteurs écologiques et de facteurs sociologiques autour des jardins. La diversité des situations géographiques est privilégiée, permettant de saisir tout autant les jardins et leur évolution dans les villes françaises que dans d’autres régions du monde autorisant ainsi une mise en perspective des jardins français.
Les écrits présentés traitent peu ou prou de jardins. Quel est le lien entre tous les jardins que les différents auteurs analysent? Peut-être est-ce ce mode « d’habiter » dont nous entretient ensuite dans son introduction, Nicole Mathieu qui nous invite à mettre en perspective « jardin rural » et « jardin urbain »?
L’association Vert le jardin a été créé en 2000, et est le fruit d’un collectif d’acteurs sociaux brestois. Son objectif de départ était de développer le jardin comme outil de lien dans l’agglomération brestoise. 12 ans plus tard, Vert le jardin est le correspondant régional du réseau du Jardin dans tous ses états. L’association poursuit son travail de développement et de promotion des jardins partagés en région Bretagne. Elle a ajouté une corde à son arc en 2010, en mettant en place des projets de compost partagé sur son territoire. Elle accompagne des porteurs de projets (groupes d’habitants, équipements de quartiers, collectivités), qui ont aussi un projet de jardin ou compost ouvert à tous. Vert le jardin coordonne un réseau local : on compte pas moins de 64 jardins partagés qu’elle a accompagnés sur le territoire de Brest métropole océane, et 78 au niveau du département du Finistère. En 2012, l’association est constituée d’une équipe de 7 salariés, parfois renforcée par 4 personnes en service civique. Ils définissent leur action comme « un travail de proximité sans retenue ». La pérennité des actions engagées passe par cet investissement local.
Les actions de Vert le Jardin s’appuient sur un certain nombre de valeurs, qui ont été validées dans la charte des jardins partagés du pays de Brest. Cette charte est le fruit d’une rédaction collective avec les acteurs institutionnels, les jardiniers, les porteurs de projets, les propriétaires de terrains, les communes…
Six valeurs sont défendues : la solidarité et le lien social ; la préservation de l’environnement ; la convivialité; l’autoproduction et l’alimentation; l’amélioration du cadre de vie; la citoyenneté. L’idée est de « faire ensemble » dans un « esprit joyeux ». La notion de plaisir, revendiquée par les habitants, est un élément majeur de la démarche.
Les jardins partagés constituent un véritable outil pour penser et aménager la ville. Outre de réels enjeux environnementaux et de cohésion sociale, l’association s’est aussi fixée comme perspective de proposer une alternative économique crédible par le jardinage urbain, en lien avec la question alimentaire.
Les actions entreprises par l’association sont marquées par leur réussite, et les acteurs de Vert le jardin sont régulièrement sollicités pour apporter leur savoir faire au développement de projets similaires au niveau régional, voire national. D’ailleurs, l’association fait partie du réseau national du « Jardin dans tous ses états ».
Vert le jardin est dans une joyeuse mutation perpétuelle et s’empare des différentes problématiques ayant trait au jardinage urbain. Elle constate que les jardins partagés vont devoir évoluer et s’approprier les enjeux relatifs à la santé, l’alimentation, l’autoproduction. Devenir plus productifs signifie aussi aller à la rencontre d’autres acteurs du territoire. De vrais et gais chantiers en perspective !
Références Bibliographiques
Berque A., « Le sauvage construit », dans Ethnologie française. Natures urbanisées, XL, 4, 2011, p 589-596.
Luxereau A., « Abris standardisés contre cabanes dans les jardins potagers urbains », dans Brun B., Dufour A.-H., Picon B., Ribéreau-Gayon M.-D. (dir.), Cabanes, cabanons et campements, Travaux de la Société
d’écologie humaine, éditions du Bergier, 2000, p. 243-255.
Menozzi M.-J., « Ouagadougou côté jardins », dans Bley D., Champaud J., Baudot P., Brun B., Pagezy H., Vernazza-Licht N. (dir.), Villes du Sud et environnement, Travaux de la Société d’écologie humaine, Chateauneuf de Grasse, éditions du Bergier, 1997, p. 20-38.
Menozzi M.-J., « Mauvaises herbes, qualité de l’eau et entretien des espaces », dans Natures Sciences Sociétés 15, 2007, p. 144-153.
« Ces français qui sèment », Télérama, mercredi 18 juin 1997