Incertitude & Environnement.
La fin des certitudes scientifiques

Ouvrage coordonné par
Allard P., Fox D., Picon B.
Editions Edisud, Aix en Provence, 2007
460 pages
Format : 16 x 24
ISBN : 978-2-7449-0733-3
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Sommaire

Pages de garde

Sommaire

ALLARD Paul, FOX Dennis, PICON Bernard
Introduction

ADJIZIAN-GÉRARD Jocelyne, ABBOUD Maher, FARAH Wehbeh, RIZK Toufic, CHELALA Carine et AFIF Charbel
Incertitudes liées aux mesures du NO2 par échantillonneurs passifs dans Beyrouth-Municipe (Liban)

BADEA Anca, GIPOULOUX Olivier
Calcul des incertitudes liées aux stockages des déchets nucléaires

CARRÉGA Pierre
Le changement climatique : incertitudes structurelles et incertitudes propagées

CAZALS Clarisse, SAINT-JEAN Maïder
Démarches environnementales volontaires et gestion des risques environnementaux : une étude empirique appliquée à la viticulture et à l’arboriculture fruitière

DUDOUIT Fichet Aurélie, QUÉNOL Hervé
Incertitudes des mesures en climatologie appliquées aux échelles fines : exemple de l’aérologie nocturne dans la région caennaise

JARAR OULIDI Hassane, BENAABIDATE Lahcen, FRYAR Alan, BENSLIMANE Anasse
Utilisation du sig pour la modélisation de la variabilité spatiale des valeurs de la transmissivité

MAIGNANT Gilles
Incertitudes dans l’évaluation des immissions de polluants en milieu urbain, analyse de sensibilité à partir du logiciel STREET

MANDINAUD Vincent, ORTAR Nathalie, ZITTOUN Philippe
Les mobiles cartographiques : artefacts techniques ou ressources pour l’action ? Le cas de la qualité de l’air marseillais

RACCASI Guillaume, JUGARU Laura, PROVANSAL Mireille
Incertitudes inhérentes à l’acquisition et au traitement de données anciennes dans la mise en place de modèles 2D, 3D et diachronique. Cas de deux milieux fluviaux : le bas Rhône et le delta du Danube

SUANEZ Serge, DEHOUCK Aurélie, STEPHAN Pierre
Incertitude de la mesure de terrain en géomorphologie littorale. Approche statistique et quantification des marges d’erreur

ZAAROUR Rita, VOIRON-CANICIO Christine, BUCCIANTI-BARAKAT Liliane C.
Création de données dans un contexte imprécis et incertain : application à la dynamique urbaine de Beyrouth (1956-1999)

BAGGIO Stéphanie
Effet de l’incertitude et de la proximité au risque dans la représentation sociale des victimes de l’inondation

GAUFRES Pierre, WOPPELMANN Guy, SABATIER François
Analyse fréquentielle des niveaux marins pour l’estimation des surcotes extrêmes et des tendances sur le long terme (changement climatique)

MERCAT-ROMMENS Catherine, CHOJNACKI Éric, BAUDRIT Cédric
Représentation et propagation de la connaissance imprécise : ce que les théories de l’incertain peuvent apporter auxsciences environnementales

ANDRÉ Véronique, BIDOU Jean-Étienne
Modèle de l’environnement – Environnement du modèle

DOUGUÉDROIT Annick
Le changement climatique, incertitude majeure pour la gestion de l’environnement au XXIe siècle

VAN DER SLUIJS Jeroen P., KAISER Matthias
Vers une compréhension commune du principe de précaution

CHALVET Martine
L’automne des certitudes : la politique des experts et des gestionnaires de la F.A.O. (1947-1970)

RATEAU Michel A.
Marques commémoratives des crues et fiabilité

SENNES Vincent, FONTAN Bruno, GOMBERT Sandrine, RIBEYRE Francis
Réduction des incertitudes en environnement : apports et limites du champ de recherche « consommation des ménages – environnement » patrimoine bâti

PUECH Daniel, RIVIÈRE HONEGGER Anne, DEMARQUE GHERARDI Monique, AUDURIER CROS Alix
De l’incertitude au manque de fiabilité des informations : des défis majeurs pour une gestion efficace de l’environnement. Le cas des paysages

DUDEK Iwona, BLAISE Jean-Yves
Connaissances évolutives, données incertaines et problèmes de visualisation dans le contexte du patrimoine bâti

TACNET Jean-Marc, LACROIX Ewald, BATTON-HUBERT Mireille
Risques naturels en montagne : aspects juridiques de l’affichage de l’incertitude dans les expertises

HRISTESCU Sonia, CATRINA Ion Lucian
L’incertitude dans la politique de gestion des acteurs impliqués dans un projet minier roumain« Rosia Montana Gold Corporation » (R.M.G.C.)

CANOBBIO Éric
L’expert, l’élu et le citoyen. Quelques réflexions d’un élu-géographe autour de la gestion actuelle des risques naturels majeurs en moyenne montagne

MIETTON Michel, DUMAS Dominique, HAMERLYNCK Olivier, KANE A., COLY A., DUVAIL, Stéphanie, OULD BABA Moktar L., OULD DADDAH Mohamed L..
Le delta du fleuve Sénégal. Une gestion de l’eau dans l’incertitude chronique

RUDOLF Florence
Des agendas 21 locaux aux indicateurs de développement durable : la démocratie locale à l’épreuve des systèmes experts

MAXIM Laura, VAN DER SLUIJS Jeroen P.
L’incertitude : cause ou effet des débats entre les acteurs ? Analyse de cas du risque de l’insecticide Gaucho® vis-àvis des abeilles

DUTARTRE Alain, MENOZZI Marie-Jo
De la gestion des plantes aquatiques envahissantes : intervenir pour quoi, pour qui, avec quelles modalités ? Ou comment agir malgré la variabilité des situations et des enjeux… Application à la gestion des jussies

MAUZ Isabelle, GRANJOU Céline
L’incertitude scientifique explique-t-elle la défiance ? Le cas de la réception des résultats du suivi scientifique du loup

DUTOIT Thierry, BUISSON Élise, HENRY Frédéric, ROMERMANN Christine, FADDA Sylvain, GAIGNARD Pauline, SAATKAMP Arne
Restauration de la steppe de Crau (Bouches-du-Rhône, France) : l’incertitude scientifique face aux besoins de l’ingénierie écologique

KOFFI ADJOBA Marthe
Gestion coutumière d’un terroir rural, entre risques et incertitudes d’une valorisation économique. Le cas de Songon M’brathé en pays ébrié (Sud-Est de la Côte d’Ivoire)

EL JAAFARI Samir, EL JAAFARI Alaeddine, BELKHADIR Rachid
Le cadre méthodologique interdisciplinaire (CMID), un outil d’aide à la décision pour la gestion de ressources naturelles par les acteurs locaux

ELYAKIME Bernard, LOISEL
Patrice Service environnemental et incertitude, quelle gestion ?

PÉCAUD Dominique
Production et traitement des données de l’expérience : des rationalités à l’oeuvre dans la prévention des risques

ZOGNING Appolinaire, NGOUANET Chrétien, NGHONDA Jean-Pierre
Recherche scientifique et technique : gestion des risques et catastrophes naturels au Cameroun

KAST Robert
Incertitude et environnement : évaluations économiques

Sommaire

Pages de garde

Sommaire

ALLARD Paul, FOX Dennis, PICON Bernard
Introduction

ADJIZIAN-GÉRARD Jocelyne, ABBOUD Maher, FARAH Wehbeh, RIZK Toufic, CHELALA Carine et AFIF Charbel
Incertitudes liées aux mesures du NO2 par échantillonneurs passifs dans Beyrouth-Municipe (Liban)

BADEA Anca, GIPOULOUX Olivier
Calcul des incertitudes liées aux stockages des déchets nucléaires

CARRÉGA Pierre
Le changement climatique : incertitudes structurelles et incertitudes propagées

CAZALS Clarisse, SAINT-JEAN Maïder
Démarches environnementales volontaires et gestion des risques environnementaux : une étude empirique appliquée à la viticulture et à l’arboriculture fruitière

DUDOUIT Fichet Aurélie, QUÉNOL Hervé
Incertitudes des mesures en climatologie appliquées aux échelles fines : exemple de l’aérologie nocturne dans la région caennaise

JARAR OULIDI Hassane, BENAABIDATE Lahcen, FRYAR Alan, BENSLIMANE Anasse
Utilisation du sig pour la modélisation de la variabilité spatiale des valeurs de la transmissivité

MAIGNANT Gilles
Incertitudes dans l’évaluation des immissions de polluants en milieu urbain, analyse de sensibilité à partir du logiciel STREET

MANDINAUD Vincent, ORTAR Nathalie, ZITTOUN Philippe
Les mobiles cartographiques : artefacts techniques ou ressources pour l’action ? Le cas de la qualité de l’air marseillais

RACCASI Guillaume, JUGARU Laura, PROVANSAL Mireille
Incertitudes inhérentes à l’acquisition et au traitement de données anciennes dans la mise en place de modèles 2D, 3D et diachronique. Cas de deux milieux fluviaux : le bas Rhône et le delta du Danube

SUANEZ Serge, DEHOUCK Aurélie, STEPHAN Pierre
Incertitude de la mesure de terrain en géomorphologie littorale. Approche statistique et quantification des marges d’erreur

ZAAROUR Rita, VOIRON-CANICIO Christine, BUCCIANTI-BARAKAT Liliane C.
Création de données dans un contexte imprécis et incertain : application à la dynamique urbaine de Beyrouth (1956-1999)

BAGGIO Stéphanie
Effet de l’incertitude et de la proximité au risque dans la représentation sociale des victimes de l’inondation

GAUFRES Pierre, WOPPELMANN Guy, SABATIER François
Analyse fréquentielle des niveaux marins pour l’estimation des surcotes extrêmes et des tendances sur le long terme (changement climatique)

MERCAT-ROMMENS Catherine, CHOJNACKI Éric, BAUDRIT Cédric
Représentation et propagation de la connaissance imprécise : ce que les théories de l’incertain peuvent apporter auxsciences environnementales

ANDRÉ Véronique, BIDOU Jean-Étienne
Modèle de l’environnement – Environnement du modèle

DOUGUÉDROIT Annick
Le changement climatique, incertitude majeure pour la gestion de l’environnement au XXIe siècle

VAN DER SLUIJS Jeroen P., KAISER Matthias
Vers une compréhension commune du principe de précaution

CHALVET Martine
L’automne des certitudes : la politique des experts et des gestionnaires de la F.A.O. (1947-1970)

RATEAU Michel A.
Marques commémoratives des crues et fiabilité

SENNES Vincent, FONTAN Bruno, GOMBERT Sandrine, RIBEYRE Francis
Réduction des incertitudes en environnement : apports et limites du champ de recherche « consommation des ménages – environnement » patrimoine bâti

PUECH Daniel, RIVIÈRE HONEGGER Anne, DEMARQUE GHERARDI Monique, AUDURIER CROS Alix
De l’incertitude au manque de fiabilité des informations : des défis majeurs pour une gestion efficace de l’environnement. Le cas des paysages

DUDEK Iwona, BLAISE Jean-Yves
Connaissances évolutives, données incertaines et problèmes de visualisation dans le contexte du patrimoine bâti

TACNET Jean-Marc, LACROIX Ewald, BATTON-HUBERT Mireille
Risques naturels en montagne : aspects juridiques de l’affichage de l’incertitude dans les expertises

HRISTESCU Sonia, CATRINA Ion Lucian
L’incertitude dans la politique de gestion des acteurs impliqués dans un projet minier roumain« Rosia Montana Gold Corporation » (R.M.G.C.)

CANOBBIO Éric
L’expert, l’élu et le citoyen. Quelques réflexions d’un élu-géographe autour de la gestion actuelle des risques naturels majeurs en moyenne montagne

MIETTON Michel, DUMAS Dominique, HAMERLYNCK Olivier, KANE A., COLY A., DUVAIL, Stéphanie, OULD BABA Moktar L., OULD DADDAH Mohamed L..
Le delta du fleuve Sénégal. Une gestion de l’eau dans l’incertitude chronique

RUDOLF Florence
Des agendas 21 locaux aux indicateurs de développement durable : la démocratie locale à l’épreuve des systèmes experts

MAXIM Laura, VAN DER SLUIJS Jeroen P.
L’incertitude : cause ou effet des débats entre les acteurs ? Analyse de cas du risque de l’insecticide Gaucho® vis-àvis des abeilles

DUTARTRE Alain, MENOZZI Marie-Jo
De la gestion des plantes aquatiques envahissantes : intervenir pour quoi, pour qui, avec quelles modalités ? Ou comment agir malgré la variabilité des situations et des enjeux… Application à la gestion des jussies

MAUZ Isabelle, GRANJOU Céline
L’incertitude scientifique explique-t-elle la défiance ? Le cas de la réception des résultats du suivi scientifique du loup

DUTOIT Thierry, BUISSON Élise, HENRY Frédéric, ROMERMANN Christine, FADDA Sylvain, GAIGNARD Pauline, SAATKAMP Arne
Restauration de la steppe de Crau (Bouches-du-Rhône, France) : l’incertitude scientifique face aux besoins de l’ingénierie écologique

KOFFI ADJOBA Marthe
Gestion coutumière d’un terroir rural, entre risques et incertitudes d’une valorisation économique. Le cas de Songon M’brathé en pays ébrié (Sud-Est de la Côte d’Ivoire)

EL JAAFARI Samir, EL JAAFARI Alaeddine, BELKHADIR Rachid
Le cadre méthodologique interdisciplinaire (CMID), un outil d’aide à la décision pour la gestion de ressources naturelles par les acteurs locaux

ELYAKIME Bernard, LOISEL
Patrice Service environnemental et incertitude, quelle gestion ?

PÉCAUD Dominique
Production et traitement des données de l’expérience : des rationalités à l’oeuvre dans la prévention des risques

ZOGNING Appolinaire, NGOUANET Chrétien, NGHONDA Jean-Pierre
Recherche scientifique et technique : gestion des risques et catastrophes naturels au Cameroun

KAST Robert
Incertitude et environnement : évaluations économiques

Introduction

Incertitude et Environnement

par Allard P., Fox D., Picon B.

L’incertitude est souvent invoquée depuis quelques années pour caractériser une forme d’impuissance de l’homme à maîtriser la nature. À la science triomphante du xixe siècle et d’une bonne partie du xxe succède une science modeste qui ne cesse de rappeler que ses résultats ne sont que des vérités temporaires susceptibles d’être remises en cause à tout moment. Comme l’écrit Edgar Morin « La connaissance progresse en intégrant en elle l’incertitude, non en l’exorcisant ». Désormais il n’est plus possible de s’appuyer sur les « certitudes » de la science pour envisager l’avenir. La prospective intègre cette incertitude en proposant plusieurs scénarios pour décrire les avenirs possibles. Cette notion d’incertitude a été intégrée dans les concepts de nombreuses disciplines, de la physique à l’économie. L’environnement, phénomène complexe s’il en est, ne peut échapper aux incertitudes inhérentes aux diverses sciences qui permettent de l’appréhender.

La plupart des phénomènes environnementaux qui peuvent avoir des impacts sur le long terme sont soumis à des incertitudes scientifiques fortes. C’est par exemple le cas pour l’évaluation des effets de la politique forestière sur les émissions de dioxyde de carbone et la capture du carbone. Corrélée à cette forte incertitude, la probabilité des irréversibilités dans la prise de décision est très élevée. En fait, les décisions prises face à de telles incertitudes n’affranchissent pas des erreurs ex post dont les conséquences ne peuvent pas être évaluées au préalable, de manière fiable, par une analyse probabiliste.
Par ailleurs l’incertitude ne porte pas sur les mêmes objets selon les lieux et les cultures. Les inquiétudes sur l’avenir varient, entre autres, selon le degré de développement économique et les représentations culturelles des relations homme/nature. Les incertitudes environnementales peuvent passer au second plan lorsqu’il s’agit d’assurer les besoins vitaux d’une population en eau potable, en nourriture et en soins par exemple.

Les décideurs sont en quête de solutions simples et sûres et perçoivent négativement l’incapacité des chercheurs à les leur fournir. Ils ont l’impression que ceux-ci ne leur renvoient que des probabilités et des estimations qui soulèvent parfois autant de questions que de solutions. Il est évident que l’incertitude scientifique génère une incertitude dans les options à suivre, et que ces incertitudes doivent désormais être reconnues comme étant une propriété intrinsèque des questions environnementales, et non pas le résultat d’une défaillance de la part des chercheurs ou des décideurs. La complexité porte en elle-même des principes d’incertitude et il n’est plus possible d’affirmer que la connaissance en viendra à bout. L’incertitude n’est plus le fruit de notre ignorance, elle est une des caractéristiques des objets et des phénomènes étudiés. Il est donc nécessaire d’élaborer des méthodes de gestion de l’incertitude dans les approches scientifiques, comme dans les démarches de prise de décision.

Cet ouvrage rassemble des chercheurs et des acteurs de toutes nationalités autour du thème de l’incertitude dans la gestion de l’environnement. Le sujet est vaste et trois sous thèmes ont été privilégiés : 1) Les incertitudes techniques liées aux mesures et aux représentations 2) les incertitudes liées à l’utilisation de modèles 3) l’incertitude dans la politique de gestion des acteurs.

Les incertitudes techniques liées aux mesures et aux représentations

La qualité des données n’est pas un thème nouveau dans l’approche de l’environnement. La plupart des disciplines scientifiques intègrent depuis longtemps une réflexion sur l’incertitude des mesures et chacune d’entre elles a développé des protocoles de validation.

Cependant, l’apparition de l’informatique, et plus particulièrement des Systèmes d’Information Géographiques, a eu des impacts importants sur la manipulation de ces données. D’une part, des techniques d’interpolation spatiale sont devenues des fonctions automatiques dans les logiciels, permettant à des usagers sans réelles connaissances de les appliquer sans la capacité d’évaluer l’impact du transfert d’échelle (le passage d’une série de points à une surface entière) sur la validité de l’information. D’autre part, la qualité visuelle des cartes créées donne aux données spatialisées une impression de valeur scientifique qui n’est souvent pas méritée. Est-ce que la croissance exponentielle dans la puissance des outils informatiques n’a pas conduit à une incertitude aggravée dans la qualité des données ?

La nécessité d’intégrer des données d’autres sources que les mesures classiques (météorologiques, débits, pollution…) devient une voie de recherche intéressante. Ceci concerne notamment la lecture et l’interprétation de données anciennes, ainsi que l’intégration et la valorisation de connaissances vernaculaires. La question n’est pas seulement de développer des démarches pour collecter et stocker ces connaissances avant qu’elles disparaissent définitivement, mais comment les intégrer dans des outils informatiques qui simulent les processus environnementaux.

Les différents chapitres sont organisés autour des thématiques suivantes : les incertitudes des mesures en sciences exactes et en sciences sociales, les méthodes de critique de données, l’évaluation des techniques d’interpolation dans la spatialisation de données, la lecture et l’interprétation des données anciennes, l’intégration et valorisation des savoirs locaux.

Les incertitudes liées à la structure des modèles et à leur validation

Depuis quelques dizaines d’années l’incertitude est revenue au centre des préoccupations. Les certitudes d’autrefois ont volé en éclats face à une nouvelle approche de l’incertitude. Celle-ci ne serait pas due à notre ignorance, mais serait consubstantielle au monde. Les diverses disciplines scientifiques ont donc intégré l’incertitude dans leur conceptualisation et, de la physique à l’économie, elle joue un rôle de plus en plus important au point de renouveler en profondeur la plupart des acquis scientifiques. Cette préoccupation épistémologique est centrale et les réponses des scientifiques aux problèmes posés par les sociétés n’ont plus le même caractère de certitude qu’elles pouvaient avoir il n’y a pas si longtemps. Ces questions font l’objet de nombreux ouvrages, pour notre part nous avons choisi de mettre plutôt l’accent sur les problèmes spécifiques liés à l’utilisation de modèles en environnement.
Pour certains scientifiques, les modèles servent principalement à quantifier les relations entre phénomènes environnementaux et à tester des hypothèses.

Ceci contribue à la compréhension de l’environnement sans nécessairement aboutir à un véritable outil de gestion. Plus généralement, les modèles servent à faire des prévisions de phénomènes et à évaluer des scénarios d’aménagement. Dans ces cas, l’incertitude liée au fonctionnement du modèle représente un enjeu majeur pour le gestionnaire qui doit faire un choix à partir des résultats de la modélisation. Trop souvent, le chercheur défend son modèle et ses résultats, et hésite à se lancer dans une vraie analyse de la fiabilité des prévisions à partir d’une analyse de propagation d’erreurs ou plus particulièrement d’une validation réelle. Dans le cas où une validation sérieuse est possible, d’autres moyens doivent être trouvés pour estimer la fiabilité des prévisions notamment par la comparaison de modèles différents.

Le développement de la prospective, dans les années 60, a révélé la fragilité épistémologique de nos constructions théoriques. La réflexion sur l’avenir a montré à quel point celui-ci était incertain, ne serait-ce que parce que toute diffusion de connaissances sur l’avenir entraîne une réaction de la part des acteurs qui modifient leur comportement afin d’éviter la réalisation de ce qui a été prédit. L’approche par scénarios est fréquemment utilisée, elle est l’objet de nombreuses questions épistémologiques.

Les thématiques privilégiées dans cette partie sont les suivantes : la propagation d’erreurs, la validation de modèle, les stratégies alternatives à la validation, la prospective et les scénarios de modèle

L’incertitude dans la politique de gestion

Dans la pratique, le choix d’une politique de gestion ou d’une autre dépend de nombreux facteurs et face à l’incertitude, le principe de précaution a souvent été évoqué comme une stratégie d’orientation des décisions à mettre en oeuvre. En réalité, même à l’intérieur de ce principe, un choix représente toujours le résultat d’une interaction de différents éléments, dont une partie dépend de l’incertitude liée à l’impact de tel ou tel choix : choix techniques, conflits d’intérêts, enjeux économiques, protection judiciaire, perception du risque… Afin de formaliser ces interactions, des Systèmes d’Aide à la Décision ont été élaborés, dans lesquels des variables quantitatives et qualitatives sont intégrées afin de rétrécir les options d’action par une démarche objective.

De cette manière, la question de la « gestion » de l’environnement au-delà de l’avis des experts est rapportée à sa dimension pluridisciplinaire. Une politique de gestion doit s’appuyer non pas seulement sur des modèles de phénomènes environnementaux, mais aussi sur des modèles d’interaction sociale qui conduisent vers un choix et qui intègrent les différents « pôles de pouvoir ».

Les processus sociaux qui sont en jeu dans la gestion de l’environnement et plus largement dans l’interaction homme/nature sont susceptibles de varier dans le temps et dans l’espace et selon des processus de différenciation qui différent d’après les milieux et ne se prêtent guère une modélisation prédictive. Le risque existe ainsi d’appliquer des modèles « occidentaux » inadaptés qui ne tiennent compte ni des réalités économiques et sociales locales ni des conceptions différentes dans les relations homme/nature. Dans un monde globalisé, cette approche localisée des problèmes environnementaux nous paraît essentielle.

Dans les chapitres de cette partie plusieurs thèmes sont privilégiés autour de l’incertitude dans la politique de gestion : les échelles d’incertitude variables selon les pays, le principe de précaution, le système d’aide à la décision, la gestion sociale de l’environnement.

Introduction

Incertitude et Environnement

par Allard P., Fox D., Picon B.

L’incertitude est souvent invoquée depuis quelques années pour caractériser une forme d’impuissance de l’homme à maîtriser la nature. À la science triomphante du xixe siècle et d’une bonne partie du xxe succède une science modeste qui ne cesse de rappeler que ses résultats ne sont que des vérités temporaires susceptibles d’être remises en cause à tout moment. Comme l’écrit Edgar Morin « La connaissance progresse en intégrant en elle l’incertitude, non en l’exorcisant ». Désormais il n’est plus possible de s’appuyer sur les « certitudes » de la science pour envisager l’avenir. La prospective intègre cette incertitude en proposant plusieurs scénarios pour décrire les avenirs possibles. Cette notion d’incertitude a été intégrée dans les concepts de nombreuses disciplines, de la physique à l’économie. L’environnement, phénomène complexe s’il en est, ne peut échapper aux incertitudes inhérentes aux diverses sciences qui permettent de l’appréhender.

La plupart des phénomènes environnementaux qui peuvent avoir des impacts sur le long terme sont soumis à des incertitudes scientifiques fortes. C’est par exemple le cas pour l’évaluation des effets de la politique forestière sur les émissions de dioxyde de carbone et la capture du carbone. Corrélée à cette forte incertitude, la probabilité des irréversibilités dans la prise de décision est très élevée. En fait, les décisions prises face à de telles incertitudes n’affranchissent pas des erreurs ex post dont les conséquences ne peuvent pas être évaluées au préalable, de manière fiable, par une analyse probabiliste.
Par ailleurs l’incertitude ne porte pas sur les mêmes objets selon les lieux et les cultures. Les inquiétudes sur l’avenir varient, entre autres, selon le degré de développement économique et les représentations culturelles des relations homme/nature. Les incertitudes environnementales peuvent passer au second plan lorsqu’il s’agit d’assurer les besoins vitaux d’une population en eau potable, en nourriture et en soins par exemple.

Les décideurs sont en quête de solutions simples et sûres et perçoivent négativement l’incapacité des chercheurs à les leur fournir. Ils ont l’impression que ceux-ci ne leur renvoient que des probabilités et des estimations qui soulèvent parfois autant de questions que de solutions. Il est évident que l’incertitude scientifique génère une incertitude dans les options à suivre, et que ces incertitudes doivent désormais être reconnues comme étant une propriété intrinsèque des questions environnementales, et non pas le résultat d’une défaillance de la part des chercheurs ou des décideurs. La complexité porte en elle-même des principes d’incertitude et il n’est plus possible d’affirmer que la connaissance en viendra à bout. L’incertitude n’est plus le fruit de notre ignorance, elle est une des caractéristiques des objets et des phénomènes étudiés. Il est donc nécessaire d’élaborer des méthodes de gestion de l’incertitude dans les approches scientifiques, comme dans les démarches de prise de décision.

Cet ouvrage rassemble des chercheurs et des acteurs de toutes nationalités autour du thème de l’incertitude dans la gestion de l’environnement. Le sujet est vaste et trois sous thèmes ont été privilégiés : 1) Les incertitudes techniques liées aux mesures et aux représentations 2) les incertitudes liées à l’utilisation de modèles 3) l’incertitude dans la politique de gestion des acteurs.

Les incertitudes techniques liées aux mesures et aux représentations

La qualité des données n’est pas un thème nouveau dans l’approche de l’environnement. La plupart des disciplines scientifiques intègrent depuis longtemps une réflexion sur l’incertitude des mesures et chacune d’entre elles a développé des protocoles de validation.

Cependant, l’apparition de l’informatique, et plus particulièrement des Systèmes d’Information Géographiques, a eu des impacts importants sur la manipulation de ces données. D’une part, des techniques d’interpolation spatiale sont devenues des fonctions automatiques dans les logiciels, permettant à des usagers sans réelles connaissances de les appliquer sans la capacité d’évaluer l’impact du transfert d’échelle (le passage d’une série de points à une surface entière) sur la validité de l’information. D’autre part, la qualité visuelle des cartes créées donne aux données spatialisées une impression de valeur scientifique qui n’est souvent pas méritée. Est-ce que la croissance exponentielle dans la puissance des outils informatiques n’a pas conduit à une incertitude aggravée dans la qualité des données ?

La nécessité d’intégrer des données d’autres sources que les mesures classiques (météorologiques, débits, pollution…) devient une voie de recherche intéressante. Ceci concerne notamment la lecture et l’interprétation de données anciennes, ainsi que l’intégration et la valorisation de connaissances vernaculaires. La question n’est pas seulement de développer des démarches pour collecter et stocker ces connaissances avant qu’elles disparaissent définitivement, mais comment les intégrer dans des outils informatiques qui simulent les processus environnementaux.

Les différents chapitres sont organisés autour des thématiques suivantes : les incertitudes des mesures en sciences exactes et en sciences sociales, les méthodes de critique de données, l’évaluation des techniques d’interpolation dans la spatialisation de données, la lecture et l’interprétation des données anciennes, l’intégration et valorisation des savoirs locaux.

Les incertitudes liées à la structure des modèles et à leur validation

Depuis quelques dizaines d’années l’incertitude est revenue au centre des préoccupations. Les certitudes d’autrefois ont volé en éclats face à une nouvelle approche de l’incertitude. Celle-ci ne serait pas due à notre ignorance, mais serait consubstantielle au monde. Les diverses disciplines scientifiques ont donc intégré l’incertitude dans leur conceptualisation et, de la physique à l’économie, elle joue un rôle de plus en plus important au point de renouveler en profondeur la plupart des acquis scientifiques. Cette préoccupation épistémologique est centrale et les réponses des scientifiques aux problèmes posés par les sociétés n’ont plus le même caractère de certitude qu’elles pouvaient avoir il n’y a pas si longtemps. Ces questions font l’objet de nombreux ouvrages, pour notre part nous avons choisi de mettre plutôt l’accent sur les problèmes spécifiques liés à l’utilisation de modèles en environnement.
Pour certains scientifiques, les modèles servent principalement à quantifier les relations entre phénomènes environnementaux et à tester des hypothèses.

Ceci contribue à la compréhension de l’environnement sans nécessairement aboutir à un véritable outil de gestion. Plus généralement, les modèles servent à faire des prévisions de phénomènes et à évaluer des scénarios d’aménagement. Dans ces cas, l’incertitude liée au fonctionnement du modèle représente un enjeu majeur pour le gestionnaire qui doit faire un choix à partir des résultats de la modélisation. Trop souvent, le chercheur défend son modèle et ses résultats, et hésite à se lancer dans une vraie analyse de la fiabilité des prévisions à partir d’une analyse de propagation d’erreurs ou plus particulièrement d’une validation réelle. Dans le cas où une validation sérieuse est possible, d’autres moyens doivent être trouvés pour estimer la fiabilité des prévisions notamment par la comparaison de modèles différents.

Le développement de la prospective, dans les années 60, a révélé la fragilité épistémologique de nos constructions théoriques. La réflexion sur l’avenir a montré à quel point celui-ci était incertain, ne serait-ce que parce que toute diffusion de connaissances sur l’avenir entraîne une réaction de la part des acteurs qui modifient leur comportement afin d’éviter la réalisation de ce qui a été prédit. L’approche par scénarios est fréquemment utilisée, elle est l’objet de nombreuses questions épistémologiques.

Les thématiques privilégiées dans cette partie sont les suivantes : la propagation d’erreurs, la validation de modèle, les stratégies alternatives à la validation, la prospective et les scénarios de modèle

L’incertitude dans la politique de gestion

Dans la pratique, le choix d’une politique de gestion ou d’une autre dépend de nombreux facteurs et face à l’incertitude, le principe de précaution a souvent été évoqué comme une stratégie d’orientation des décisions à mettre en oeuvre. En réalité, même à l’intérieur de ce principe, un choix représente toujours le résultat d’une interaction de différents éléments, dont une partie dépend de l’incertitude liée à l’impact de tel ou tel choix : choix techniques, conflits d’intérêts, enjeux économiques, protection judiciaire, perception du risque… Afin de formaliser ces interactions, des Systèmes d’Aide à la Décision ont été élaborés, dans lesquels des variables quantitatives et qualitatives sont intégrées afin de rétrécir les options d’action par une démarche objective.

De cette manière, la question de la « gestion » de l’environnement au-delà de l’avis des experts est rapportée à sa dimension pluridisciplinaire. Une politique de gestion doit s’appuyer non pas seulement sur des modèles de phénomènes environnementaux, mais aussi sur des modèles d’interaction sociale qui conduisent vers un choix et qui intègrent les différents « pôles de pouvoir ».

Les processus sociaux qui sont en jeu dans la gestion de l’environnement et plus largement dans l’interaction homme/nature sont susceptibles de varier dans le temps et dans l’espace et selon des processus de différenciation qui différent d’après les milieux et ne se prêtent guère une modélisation prédictive. Le risque existe ainsi d’appliquer des modèles « occidentaux » inadaptés qui ne tiennent compte ni des réalités économiques et sociales locales ni des conceptions différentes dans les relations homme/nature. Dans un monde globalisé, cette approche localisée des problèmes environnementaux nous paraît essentielle.

Dans les chapitres de cette partie plusieurs thèmes sont privilégiés autour de l’incertitude dans la politique de gestion : les échelles d’incertitude variables selon les pays, le principe de précaution, le système d’aide à la décision, la gestion sociale de l’environnement.