Sommaire
BLEY Daniel
Introduction : Qualité de vie et écologie humaine
BLEY Daniel, VERNAZZA-LICHT Nicole
La qualité de vie : actualité et enjeux d’un concept
BATTAGLIN MACHADO Paulo Henrique
Interest and limits of quality of life indicators: the example of the city of Curitiba, Brazil
BARBARINO-SAULNIER Natalia
Méthode d’évaluation de la qualité de vie en milieu urbain.Premiers résultats d’étude
ASSAKO ASSAKO René Joly
Problématique de l’estimation de la qualité de vie dans un front d’urbanisation en Afrique : le cas du quartier Bois des Singes à Douala (Cameroun)
LANGLOIS André, GILBERT Anne
Milieu, qualité de vie et bien-être : une intégration des points de vue
RIBEYRE Francis
Cadre de vie et écologie familiale
GARHAMMER Manfred
Quality of life in European societies.A system of social indicators and a cross-cultural comparison
THOMSIN Laurence
La flexibilité spatio-temporelle des lieux et des temps de travail entendue comme outil de qualité de vie
MALSAN Sylvie
La notion de « projet de vie » : pour une qualité de la vie après un licenciement collectif
MONJARET Anne
Les logiques de privatisation des ateliers techniques à l’hôpital. Se singulariser en affirmant un corporatisme
ABEGA Séverin Cécile, VERNAZZA-LICHT Nicole, BLEY Daniel
Qualité de vie des travailleurs et exposition à la maladie dans une plantation agro-industrielle du sud Cameroun : approche anthropologique
DECÈZE Dominique
La violence au travail. L’exemple des travailleurs de France Télécom et d’EDF-GDF
HUEZ Dominique
Comprendre pour agir. Les médecins face aux pathologies dues au travail
STEICHEN Pascale
Qualité de vie au travail et protection juridique de la santé mentale des salariés
GROSJEAN Vincent
Santé et bien-être en entreprise. Quelles possibilités d’action pour l’Institution Prévention ?
PÉCAUD Dominique
Dangers, risques et précautions : quels leviers pour les politiques de prévention ?
Sommaire
BLEY Daniel
Introduction : Qualité de vie et écologie humaine
BLEY Daniel, VERNAZZA-LICHT Nicole
La qualité de vie : actualité et enjeux d’un concept
BATTAGLIN MACHADO Paulo Henrique
Interest and limits of quality of life indicators: the example of the city of Curitiba, Brazil
BARBARINO-SAULNIER Natalia
Méthode d’évaluation de la qualité de vie en milieu urbain.Premiers résultats d’étude
ASSAKO ASSAKO René Joly
Problématique de l’estimation de la qualité de vie dans un front d’urbanisation en Afrique : le cas du quartier Bois des Singes à Douala (Cameroun)
LANGLOIS André, GILBERT Anne
Milieu, qualité de vie et bien-être : une intégration des points de vue
RIBEYRE Francis
Cadre de vie et écologie familiale
GARHAMMER Manfred
Quality of life in European societies.A system of social indicators and a cross-cultural comparison
THOMSIN Laurence
La flexibilité spatio-temporelle des lieux et des temps de travail entendue comme outil de qualité de vie
MALSAN Sylvie
La notion de « projet de vie » : pour une qualité de la vie après un licenciement collectif
MONJARET Anne
Les logiques de privatisation des ateliers techniques à l’hôpital. Se singulariser en affirmant un corporatisme
ABEGA Séverin Cécile, VERNAZZA-LICHT Nicole, BLEY Daniel
Qualité de vie des travailleurs et exposition à la maladie dans une plantation agro-industrielle du sud Cameroun : approche anthropologique
DECÈZE Dominique
La violence au travail. L’exemple des travailleurs de France Télécom et d’EDF-GDF
HUEZ Dominique
Comprendre pour agir. Les médecins face aux pathologies dues au travail
STEICHEN Pascale
Qualité de vie au travail et protection juridique de la santé mentale des salariés
GROSJEAN Vincent
Santé et bien-être en entreprise. Quelles possibilités d’action pour l’Institution Prévention ?
PÉCAUD Dominique
Dangers, risques et précautions : quels leviers pour les politiques de prévention ?
Introduction
Qualité de vie et écologie humaine
par Bley Daniel
S’intéresser à la qualité de vie dans une perspective d’écologie humaine revient à étudier à la fois les facteurs qui interviennent dans l’expression concrète du bien-être des populations et les conditions qui leur sont imposées tant par le milieu nat urel de leur cadre de vie que par leur milieu social. En effet, plus que les conditions de vie considérées au sens étroitement matériel du terme, les personnes définissent souvent sous le vocable général de « qualité de vie » une réalité composite qui intègre non seulement le cadre matériel dans lequel se déroule leur existence mais aussi tout un ensemble de représentations et de pratiques liées à leur vie quotidienne.
L’objectif de l’ouvrage est d’examiner deux composantes de la qualité de vie autour desquelles s’articule la vie quotidienne des personnes : le cadre de vie et le travail.
Les articles qui y sont rassemblés sont le reflet de la démarche interdisciplinaire revendiquée par l’écologie humaine. Ils offrent une grande diversité d’approches par les situations décrites tant au Nord qu’au Sud, par les disciplines et les méthodes convoquées, par le domaine d’appartenance des auteurs qu’ils soient chercheurs ou acteurs. Ils ne sont pas qu’une simple juxtaposition et obligeront le lecteur, c’est en tout cas notre souhait, à formuler des questionnements croisés autour des questions qui ont trait à la qualité de vie.
Cet ouvrage s’inscrit dans la continuation d’une réflexion engagée depuis des années par un groupe de chercheurs qui a déjà permis d’explorer certaines des dimensions de cette question1 et les textes qui le composent sont pour partie issus d’un colloque organisé par la Société d’Écologie Humaine à Marseille en juillet 20022. L’ouvrage débute par un texte destiné à resituer l’intérêt de faire de la qualité de vie un objet d’étude et s’organise ensuite en trois parties qui abordent successivement la question de la qualité de vie liée au cadre de vie, au travail et aux conséquences sur la santé qui en découlent.
Dans la première partie qui traite du cadre de vie des populations, on remarquera que trois des cinq contributions concernent les milieux urbains. Cela n’est pas étonnant car la ville est un milieu spécifique qui pose de multiples problèmes (logement, transport,…) affectant notablement la vie quotidienne des populations et particulièrement dans les pays du sud où la croissance urbaine rapide est l’un des traits majeurs de l’évolution sociale et démographique.
On notera aussi que quatre auteurs sur cinq font appel à une approche quantifiée en construisant des indicateurs de la qualité de vie, car dans ce domaine les recherches ne sont jamais très éloignées des enjeux sociétaux et peuvent (ou doivent) servir aux politiques qui ont pour mission de prendre en charge les affaires de la cité. Si le milieu est, dans ces articles, considéré souvent comme un facteur explicatif, c’est peut-être parce que ce sont des géographes et des urbanistes qui abordent ici ces questions.
Les méthodes peuvent cependant différer selon les approches adoptées par les auteurs et au-delà de la nécessité de s’interroger sur la validité des outils mis en forme, la principale difficulté tient dans la façon de prendre en compte les perceptions des personnes interrogées. Paulo Henrique Battaglin Machado, dans une étude effectuée à Curitiba, ville au sud du Brésil qui jouit d’une réputation de « ville écologique » a élaboré des indicateurs qui peuvent refléter les conditions collectives des habitants de la ville et ainsi comparer la qualité de vie entre les soixante-quinze quartiers de la ville. La question principale qu’il fait apparaître à partir de sa recherche est de savoir si les indicateurs peuvent mesurer la qualité de vie ou s’ils sont seulement le reflet du choix de l’observateur. Il montre qu’il s’agit dans ce cas d’une approche technocratique qui est davantage un instrument de gestion à desti nat ion des responsables en charge des affaires de la cité qu’une réelle tentative d’apprécier la qualité de vie perçue par les personnes qui résident dans cette ville. Natalia Saulnier, à l’inverse de l’approche précédente, tente à partir du cas de la ville de Lyon, de conjuguer approche objective (axée sur les conditions de vie) et approche subjective (analyse du bien-être). Ce travail met en évidence la difficulté qui existe pour construire un système de mesure « basé sur la prise en considération des jugements de valeur et des représentations des acteurs ». De son côté, René Joly Assako Assako, à partir du cas du quartier Bois des Singes à Douala (Cameroun) explique également comment on peut arriver à construire un indicateur de qualité de vie à partir des perceptions des populations dans un contexte bien précis.
André Langlois et Anne Gilbert, comme les auteurs précédents, prônent ce qu’ils appellent une intégration des points de vue, qui est une tentative d’appréhender ensemble les sphères objectives et subjectives de la qualité de vie. Mais dans leur cas, ils accordent une large place au milieu de vie (qu’ils appellent capital résidentiel) qui devient l’un des trois aspects fondamentaux autour duquel ils vont construire leur indice de qualité de vie.
Enfin, Francis Ribeyre considère lui aussi que la qualité de vie est étroitement dépendante des environnements de proximité et assimilée communément au cadre de vie. Il situe son approche dans l’univers familial, qui devrait être, selon lui, le lieu d’une gestion quotidienne des comportements de consommation pour ne pas compromettre le développement durable de nos sociétés.
L’ensemble des situations étudiées dans la seconde partie montre, dans des contextes économiques et géographiques très différents, que l’exercice d’une activité professionnelle (ou sa perte) n’est pas sans conséquences majeures sur la qualité de vie au quotidien des individus.
Manfred Garhammer explique que dans nos sociétés industrialisées où le niveau de vie des populations est élevé, la prospérité économique ainsi que la bonne santé ne sont pas synonyme de bonheur. Le travail est souvent considéré comme stressant et le manque de temps pour des activités personnelles ou collectives est perçu comme une dimension qui altère la qualité de vie. Laurence Thomsin traite justement de la flexibilité spatio-temporelle à partir d’une enquête qu’elle a menée en Belgique auprès de travailleurs à domicile et elle fait apparaître que la gestion différente du temps permet au travailleur de réduire la durée de son trajet et de mieux répartir ses périodes de travail, ce qui lui laisse ainsi plus de temps à consacrer à sa famille ou à ses loisirs.
Si le travail est source d’insatisfaction, il importe avant tout d’avoir une activité, que ce soit pour des raisons économiques évidentes, ou de reconnaissance et d’intégration sociale. Et la recherche ou la perte d’emploi sont des situations qui sont vécues comme bien pires que les difficultés rencontrées dans l’exercice d’une activité salariée. C’est ce que fait clairement apparaître Valérie Moller dans son enquête qu’elle a effectué auprès des jeunes d’un quartier d’une ville d’Afrique du Sud, où elle montre que leur degré de satisfaction face à la vie est liée à la possibilité d’obtenir un emploi bien avant la question de leur santé ou de leur éducation. Dans un autre contexte, Sylvie Malsan met en évidence dans son étude que la notion de projet individuel peut être une façon, pour la personne traumatisée par son licenciement, de réagir à une difficulté et d’améliorer ainsi sa qualité de vie.
Dans les deux derniers articles, les auteurs montrent que les espaces de travail sont aussi des espaces de vie qui peuvent ou non concourir à la qualité de vie. Anne Monjaret, à partir de l’exemple des ateliers techniques à l’hôpital, explique que s’approprier son espace de travail, c’est aussi une façon d’être reconnu et c’est un élément qui participe à une satisfaction de la vie au travail. C’est un processus identitaire qui peut concourir plus globalement à la qualité de vie. Avec Séverin Cécile Abega et Nicole Vernazza-Licht nous menons depuis plusieurs années des recherches dans une plantation agro-industrielle du sud Cameroun où le cadre de vie est aussi le lieu d’exercice de l’activité professionnelle. Les ouvriers y sont exposés au risque d’accident par leur activité ainsi qu’à la maladie, mais ils ont en même temps la possibilité d’être pris en charge pour leur santé par l’entreprise qui les emploie.
Ce dernier article permet de faire la transition avec la troisième partie de l’ouvrage qui s’attarde sur les conséquences que les conditions de travail des populations peuvent avoir sur leur santé. La santé au travail, même si elle a fait preuve pendant longtemps de peu d’attention dans notre pays (cf. la question de l’amiante), est une dimension qui n’est pas à négliger dans la perception que les populations ont de leur qualité de vie au travail.
Les trois premiers textes soulignent l’importance des changements au travail (qui se traduisent par la tertiarisation, l’utilisation de nouvelles technologies, l’augmentation de la mobilité, l’évolution des horaires et des statuts…) et ses conséquences sur le bien-être et sur la santé des individus. Dominique Decèze reprend les éléments d’un récent ouvrage virulent et très médiatisé sur la souffrance au travail des cent mille agents de France Télécom où il dresse un tableau sans complaisance de l’état de santé des salariés, consécutif aux nouvelles méthodes de gestion appliquées dans l’entreprise suite au processus de privatisation. Ces conséquences en bout de chaîne doivent être gérées par les médecins qui n’y sont pas toujours préparés et Dominique Huez explique pourquoi les médecins généralistes sont souvent confrontés à une difficulté et aussi à une responsabilité dans la prise en charge des patients venus les consulter pour des pathologies dues au travail ou aux conditions de son exercice. Face à ces difficultés, qui confinent parfois au harcèlement moral, Pascale Steichen montre qu’il existe un ensemble de textes nat ionaux et européens pour protéger juridiquement le salarié et tout un arsenal de sanctions contre les employeurs, ce qui implique de nouvelles missions pour les institutions représentatives du personnel.
Même s’il est avant toute chose indispensable de faire l’état des lieux des atteintes à la santé des travailleurs, d’en faire reconnaître le bien fondé et d’y remédier ensuite par la prise en charge médicale et la réparation juridique, il faut aussi prévenir et c’est ce sur quoi réfléchissent les deux derniers auteurs. Vincent Grosjean, en prenant l’exemple d’une action menée en entreprise par l’INRS, discute de cette question qui est une dimension importante et pourtant encore peu reconnue. Elle est d’autant plus difficile à mettre en place qu’elle requiert le concours de tous les acteurs. Dominique Pécaud pose la question de la préservation de la santé comme élément de la qualité de vie, ce qui nécessite de mettre en place des politiques de prévention et oblige à évaluer les dangers et calculer les risques, que ce soit au travail, dans la sphère domestique ou dans l’espace public.
Introduction
Qualité de vie et écologie humaine
par Bley Daniel
S’intéresser à la qualité de vie dans une perspective d’écologie humaine revient à étudier à la fois les facteurs qui interviennent dans l’expression concrète du bien-être des populations et les conditions qui leur sont imposées tant par le milieu nat urel de leur cadre de vie que par leur milieu social. En effet, plus que les conditions de vie considérées au sens étroitement matériel du terme, les personnes définissent souvent sous le vocable général de « qualité de vie » une réalité composite qui intègre non seulement le cadre matériel dans lequel se déroule leur existence mais aussi tout un ensemble de représentations et de pratiques liées à leur vie quotidienne.
L’objectif de l’ouvrage est d’examiner deux composantes de la qualité de vie autour desquelles s’articule la vie quotidienne des personnes : le cadre de vie et le travail.
Les articles qui y sont rassemblés sont le reflet de la démarche interdisciplinaire revendiquée par l’écologie humaine. Ils offrent une grande diversité d’approches par les situations décrites tant au Nord qu’au Sud, par les disciplines et les méthodes convoquées, par le domaine d’appartenance des auteurs qu’ils soient chercheurs ou acteurs. Ils ne sont pas qu’une simple juxtaposition et obligeront le lecteur, c’est en tout cas notre souhait, à formuler des questionnements croisés autour des questions qui ont trait à la qualité de vie.
Cet ouvrage s’inscrit dans la continuation d’une réflexion engagée depuis des années par un groupe de chercheurs qui a déjà permis d’explorer certaines des dimensions de cette question1 et les textes qui le composent sont pour partie issus d’un colloque organisé par la Société d’Écologie Humaine à Marseille en juillet 20022. L’ouvrage débute par un texte destiné à resituer l’intérêt de faire de la qualité de vie un objet d’étude et s’organise ensuite en trois parties qui abordent successivement la question de la qualité de vie liée au cadre de vie, au travail et aux conséquences sur la santé qui en découlent.
Dans la première partie qui traite du cadre de vie des populations, on remarquera que trois des cinq contributions concernent les milieux urbains. Cela n’est pas étonnant car la ville est un milieu spécifique qui pose de multiples problèmes (logement, transport,…) affectant notablement la vie quotidienne des populations et particulièrement dans les pays du sud où la croissance urbaine rapide est l’un des traits majeurs de l’évolution sociale et démographique.
On notera aussi que quatre auteurs sur cinq font appel à une approche quantifiée en construisant des indicateurs de la qualité de vie, car dans ce domaine les recherches ne sont jamais très éloignées des enjeux sociétaux et peuvent (ou doivent) servir aux politiques qui ont pour mission de prendre en charge les affaires de la cité. Si le milieu est, dans ces articles, considéré souvent comme un facteur explicatif, c’est peut-être parce que ce sont des géographes et des urbanistes qui abordent ici ces questions.
Les méthodes peuvent cependant différer selon les approches adoptées par les auteurs et au-delà de la nécessité de s’interroger sur la validité des outils mis en forme, la principale difficulté tient dans la façon de prendre en compte les perceptions des personnes interrogées. Paulo Henrique Battaglin Machado, dans une étude effectuée à Curitiba, ville au sud du Brésil qui jouit d’une réputation de « ville écologique » a élaboré des indicateurs qui peuvent refléter les conditions collectives des habitants de la ville et ainsi comparer la qualité de vie entre les soixante-quinze quartiers de la ville. La question principale qu’il fait apparaître à partir de sa recherche est de savoir si les indicateurs peuvent mesurer la qualité de vie ou s’ils sont seulement le reflet du choix de l’observateur. Il montre qu’il s’agit dans ce cas d’une approche technocratique qui est davantage un instrument de gestion à desti nat ion des responsables en charge des affaires de la cité qu’une réelle tentative d’apprécier la qualité de vie perçue par les personnes qui résident dans cette ville. Natalia Saulnier, à l’inverse de l’approche précédente, tente à partir du cas de la ville de Lyon, de conjuguer approche objective (axée sur les conditions de vie) et approche subjective (analyse du bien-être). Ce travail met en évidence la difficulté qui existe pour construire un système de mesure « basé sur la prise en considération des jugements de valeur et des représentations des acteurs ». De son côté, René Joly Assako Assako, à partir du cas du quartier Bois des Singes à Douala (Cameroun) explique également comment on peut arriver à construire un indicateur de qualité de vie à partir des perceptions des populations dans un contexte bien précis.
André Langlois et Anne Gilbert, comme les auteurs précédents, prônent ce qu’ils appellent une intégration des points de vue, qui est une tentative d’appréhender ensemble les sphères objectives et subjectives de la qualité de vie. Mais dans leur cas, ils accordent une large place au milieu de vie (qu’ils appellent capital résidentiel) qui devient l’un des trois aspects fondamentaux autour duquel ils vont construire leur indice de qualité de vie.
Enfin, Francis Ribeyre considère lui aussi que la qualité de vie est étroitement dépendante des environnements de proximité et assimilée communément au cadre de vie. Il situe son approche dans l’univers familial, qui devrait être, selon lui, le lieu d’une gestion quotidienne des comportements de consommation pour ne pas compromettre le développement durable de nos sociétés.
L’ensemble des situations étudiées dans la seconde partie montre, dans des contextes économiques et géographiques très différents, que l’exercice d’une activité professionnelle (ou sa perte) n’est pas sans conséquences majeures sur la qualité de vie au quotidien des individus.
Manfred Garhammer explique que dans nos sociétés industrialisées où le niveau de vie des populations est élevé, la prospérité économique ainsi que la bonne santé ne sont pas synonyme de bonheur. Le travail est souvent considéré comme stressant et le manque de temps pour des activités personnelles ou collectives est perçu comme une dimension qui altère la qualité de vie. Laurence Thomsin traite justement de la flexibilité spatio-temporelle à partir d’une enquête qu’elle a menée en Belgique auprès de travailleurs à domicile et elle fait apparaître que la gestion différente du temps permet au travailleur de réduire la durée de son trajet et de mieux répartir ses périodes de travail, ce qui lui laisse ainsi plus de temps à consacrer à sa famille ou à ses loisirs.
Si le travail est source d’insatisfaction, il importe avant tout d’avoir une activité, que ce soit pour des raisons économiques évidentes, ou de reconnaissance et d’intégration sociale. Et la recherche ou la perte d’emploi sont des situations qui sont vécues comme bien pires que les difficultés rencontrées dans l’exercice d’une activité salariée. C’est ce que fait clairement apparaître Valérie Moller dans son enquête qu’elle a effectué auprès des jeunes d’un quartier d’une ville d’Afrique du Sud, où elle montre que leur degré de satisfaction face à la vie est liée à la possibilité d’obtenir un emploi bien avant la question de leur santé ou de leur éducation. Dans un autre contexte, Sylvie Malsan met en évidence dans son étude que la notion de projet individuel peut être une façon, pour la personne traumatisée par son licenciement, de réagir à une difficulté et d’améliorer ainsi sa qualité de vie.
Dans les deux derniers articles, les auteurs montrent que les espaces de travail sont aussi des espaces de vie qui peuvent ou non concourir à la qualité de vie. Anne Monjaret, à partir de l’exemple des ateliers techniques à l’hôpital, explique que s’approprier son espace de travail, c’est aussi une façon d’être reconnu et c’est un élément qui participe à une satisfaction de la vie au travail. C’est un processus identitaire qui peut concourir plus globalement à la qualité de vie. Avec Séverin Cécile Abega et Nicole Vernazza-Licht nous menons depuis plusieurs années des recherches dans une plantation agro-industrielle du sud Cameroun où le cadre de vie est aussi le lieu d’exercice de l’activité professionnelle. Les ouvriers y sont exposés au risque d’accident par leur activité ainsi qu’à la maladie, mais ils ont en même temps la possibilité d’être pris en charge pour leur santé par l’entreprise qui les emploie.
Ce dernier article permet de faire la transition avec la troisième partie de l’ouvrage qui s’attarde sur les conséquences que les conditions de travail des populations peuvent avoir sur leur santé. La santé au travail, même si elle a fait preuve pendant longtemps de peu d’attention dans notre pays (cf. la question de l’amiante), est une dimension qui n’est pas à négliger dans la perception que les populations ont de leur qualité de vie au travail.
Les trois premiers textes soulignent l’importance des changements au travail (qui se traduisent par la tertiarisation, l’utilisation de nouvelles technologies, l’augmentation de la mobilité, l’évolution des horaires et des statuts…) et ses conséquences sur le bien-être et sur la santé des individus. Dominique Decèze reprend les éléments d’un récent ouvrage virulent et très médiatisé sur la souffrance au travail des cent mille agents de France Télécom où il dresse un tableau sans complaisance de l’état de santé des salariés, consécutif aux nouvelles méthodes de gestion appliquées dans l’entreprise suite au processus de privatisation. Ces conséquences en bout de chaîne doivent être gérées par les médecins qui n’y sont pas toujours préparés et Dominique Huez explique pourquoi les médecins généralistes sont souvent confrontés à une difficulté et aussi à une responsabilité dans la prise en charge des patients venus les consulter pour des pathologies dues au travail ou aux conditions de son exercice. Face à ces difficultés, qui confinent parfois au harcèlement moral, Pascale Steichen montre qu’il existe un ensemble de textes nat ionaux et européens pour protéger juridiquement le salarié et tout un arsenal de sanctions contre les employeurs, ce qui implique de nouvelles missions pour les institutions représentatives du personnel.
Même s’il est avant toute chose indispensable de faire l’état des lieux des atteintes à la santé des travailleurs, d’en faire reconnaître le bien fondé et d’y remédier ensuite par la prise en charge médicale et la réparation juridique, il faut aussi prévenir et c’est ce sur quoi réfléchissent les deux derniers auteurs. Vincent Grosjean, en prenant l’exemple d’une action menée en entreprise par l’INRS, discute de cette question qui est une dimension importante et pourtant encore peu reconnue. Elle est d’autant plus difficile à mettre en place qu’elle requiert le concours de tous les acteurs. Dominique Pécaud pose la question de la préservation de la santé comme élément de la qualité de vie, ce qui nécessite de mettre en place des politiques de prévention et oblige à évaluer les dangers et calculer les risques, que ce soit au travail, dans la sphère domestique ou dans l’espace public.